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Justin Welby

Archevêque de Canterbury et Primat de l'Église d'Angleterre
 biographie

 Nous vivons dans un monde qui a du mal à faire la distinction entre le prix de quelque chose et sa valeur. Cette tendance est tellement forte que face au Christ, nous essayons de déterminer le prix de la grâce. Et Lui nous répond avec un amour infini, avec miséricorde et avec un commandement qui peut sembler irrationnel à première vue: nous qui croyons être riches, recevons gratuitement de Lui. 

À la base de cette proposition se trouve le fait que, dans l’économie de Dieu, nous sommes les plus pauvres parmi les pauvres, plus pauvres que jamais parce que nous croyons être riches. Notre argent et notre richesse sont comme l’argent factice avec lequel jouent les enfants: dans nos économies humaines qui ont l’air si puissantes, l’on peut acquérir des biens, mais ceux-ci ne valent rien dans l’économie de Dieu. Nous sommes vraiment riches, seulement si nous acceptons la miséricorde de Dieu, à travers le Christ notre Sauveur.
 
Notre économie imaginaire, que nous considérons comme réelle, non seulement nous trompe et nous fait dépenser notre argent sans valeur pour des choses qui ne nous rassasient pas, mais elle consomme également nos énergies en nous faisant pourchasser des illusions. 
 
Regardons l’Europe d’aujourd’hui et écoutons la vérité de la parole que Dieu nous adresse. La plus grande richesse de l’histoire européenne mène à des tragédies comme l’endettement et l’esclavage. Nos économies peuvent se permettre de dépenser beaucoup d’argent, mais elles sont fondées sur le sable. Malgré tout, nous sommes toujours insatisfaits voire désespérés: la désagrégation des familles; la famine et l’inégalité; le recours aux extrémismes. Minés par la peur, le ressentiment et la rage, nous cherchons de plus en plus désespérément, et nous finissons par avoir peur de l’étranger et ne savons plus où trouver du courage. 
 
Pourtant, Dieu nous appelle tous dans sa miséricorde, chacun d’entre nous et nous tous ensemble. Il nous offre une vraie richesse, qui nous comble. Il nous appelle à écouter, à manger, à venir à sa rencontre, à avoir confiance. 
 
Nous devons écouter. Comment écouter Dieu? Souvent à travers la voix des laissés-pour-compte, des plus pauvres. Jean Vanier de l’Arche nous raconte que des personnes grièvement handicapées parlent avec conviction de l’espérance, de la détermination et de l’amour à ceux qui croient être forts. 
 
Dieu nous appelle aussi à manger. Et nous mangeons avant tout dans l’Eucharistie, en partageant le corps et le sang du Christ, en faisant ainsi la fête. Manger avec Dieu signifie avoir plus du nécessaire pour devenir des hommes et des femmes généreux, d’une abondance débordante. 
 
Il nous appelle à venir. Les premières paroles d’un poème sur la miséricorde du Christ de George Herbert, un de nos plus grands poètes, sont les suivantes: “l’amour m’a accueilli; mais mon âme s’est rétractée …”. Nous nous rétractons parce que nous ne croyons pas que la miséricorde, cet amour donné avec tant de liberté, soit vraiment pour nous. Nos péchés crient, mais le Christ crie plus fort “venez …”.
 
Nous sommes appelés à la confiance. À être confiants que la miséricorde de Dieu suffit. À être confiants que lorsque nous écoutons, mangeons et venons, nous serons tous nourris comme Il l’a promis. Cet appel requiert un renouvellement continu. Nous avons besoin qu’on nous rappelle chaque jour notre pauvreté d’esprit, d’avoir soif de la richesse de la miséricorde de Dieu. Nous devons tous boire chaque jour de la miséricorde, pour vaincre nos péchés et notre rage, pour être miséricordieux envers les autres. 
 
Isaïe conclut ce passage avec une image magnifique, celle de toutes les nations qui affluent vers une seule nation, vers le peuple, l’Église, les nations qui ont écouté, mangé et qui ont osé faire confiance. Elles sont attirées parce que l’illusion de la richesse est remplacée par la vérité de la paix et de l’amour. Car, quand nous recevons de la miséricorde,  nous devenons à notre tour porteurs de miséricorde et de paix. 
 
Ainsi nous finirons par devenir des personnes qui portent la miséricorde de Dieu, à travers le Christ, envers tous, par des gestes qui révèlent sa miséricorde. Le travail de Sant’Egidio au Mozambique et dans le monde entier est un signe de ce qui est possible quand  la miséricorde du Christ est à l’œuvre en nous. Soyons ceux qui permettent aux autres d’être miséricordieux envers ceux avec lesquels ils sont en conflit. Nous sommes appelés à être la voix du Christ pour ceux qui ont perdu tout espoir, qu’il appelle “venez, voici de l’eau”, dans un monde de sécheresse et de désespoir, en partageant généreusement ce que nous avons reçu dans sa miséricorde pleine de grâce.